Dans la première partie de son ouvrage, Jean-Jacques Nattiez fait intervenir un interlocuteur anonyme qui le questionne sur son cheminement culturel et intellectuel, se donnant l’occasion de faire la genèse de son intérêt pour le structuralisme et la sémiologie littéraire, qui l’ont mené à ses recherches en musicologie, aujourd’hui connues du grand public et reconnues par le cercle des initiés. Ce dialogue érudit met en scène un penseur passionné pour l’écriture et la musique, un chercheur très conséquent qui a toujours remis en doute ses choix et orientations intellectuels de même que ses idéologies.
La seconde partie de l’ouvrage est composée quant à elle de courts articles (déjà publiés dans diverses revues) de valeur inégale où Jean-Jacques Nattiez, après avoir discuté, parlé de sa science, l’applique à proprement parler dans un cadre de recherche. Encore ici le sémiologue ne manque pas de poser de bonnes questions (comment être wagnérien ?, y a-t-il une musique québécoise ?, etc.) sans donner dans l’hermétique techniciste, vulgarisant sa science de manière à la rendre accessible à un large public. Ces articles sont pour la plupart des commentaires de textes (ceux de Baudelaire-critique, de Boulez-technicien, de Gould-prophète, etc.) que Nattiez-exégète dépouille, interprète et parfois paraphrase.
Je regrette toutefois et ne comprends pas l’acharnement et l’effort parfois aveugles que met le chercheur à commenter strictement le répertoire de la musique classique et ses auteurs, laissant non pas dans l’ombre mais bien plutôt dans la fosse (vu son propos dégradant) les autres styles qu’il nomme à la va-vite, sans se salir les mains, jazz, rock ou heavy métal, le plus souvent en utilisant l’italique pour bien marquer leur (supposée) roture. Il m’apparaît par exemple par trop anachronique de ne retenir que le compositeur Garant, ses œuvres, ses propos, pour répondre à la question de l’identité musicale québécoise, comme s’il était le germe culturel et musical prévalant de cette identité ; il eût peut-être fallu préciser qu’il s’agissait, dans cette investigation, strictement de musique classique et non de musique québécoise populaire.
Cet ouvrage n’en livre pas moins un enseignement pertinent à ceux qui hésitent trop souvent, faute de notions, à évaluer l’esthétique d’une œuvre (musicale ou littéraire).