Pour qui souhaite réfléchir avec force et espoir aujourd’hui pour demain, ces entretiens sur les révolutions de la médecine et le devenir de l’homme valent bien davantage que le Discours de la méthode ou la Phénoménologie de l’esprit. Non que j’estime out nos deux philosophes, mais j’incline à croire plus nécessaire de me rappeler que dans l’histoire de la médecine, la période que Jean Bernard décrit ici comme la troisième ‘ 1859-1865 ‘ est celle où Darwin publie L’origine des espèces et Claude Bernard son Introduction à la médecine expérimentale tandis que Louis Pasteur crée la microbiologie et que Mendel découvre les lois de l’hérédité. Que ces travaux n’aient pas eu d’effet immédiat sur la clinique ‘ on ne commence à utiliser les sulfamides qu’en 1937 ‘ n’empêche pas qu’ils soient (avec ceux de Freud, d’Einstein et de quelques autres) ‘ ceux qui « ont le plus changé le sort des hommes que les guerres, les victoires, les révolutions, les bouleversements historiques qui jalonnent le passé de l’humanité… ».
Jean Bernard ‘ épris de Paracelse et pionnier de l’hématologie géographique ‘ et Jean Dausset ‘ admirateur de Laënnec et Prix Nobel de médecine en 1980 pour sa découverte du système HLA (H pour « humain », L pour « leucocyte » et A pour « antigène », groupes tissulaires dont l’identification a fait faire un bond dans la compréhension des facteurs de prédisposition à plusieurs maladies, dont le cancer du sein) ‘ ont été les témoins exceptionnels de la plupart des grandes découvertes de notre siècle. La sagesse qu’ils tirent de leur expérience leur permet de jeter un regard lucide et enjoué sur notre monde. Il ne s’agit pas de chanter naïvement la gloire de leur discipline, mais bien d’évaluer ses réussites et ses échecs (les maladies à gravité moyenne, les virus, les parasites), tant dans les domaines des vaccins et des antibiotiques que dans ceux des cancers, des transplantations ou de la génétique. Nos deux médecins abordent plusieurs grands problèmes de société avec un optimisme intelligent. S’ils n’évitent pas toujours un certain triomphalisme (par exemple, une certaine foi naïve dans le métarécit du progrès et en ce qui concerne les révolutions informatique et génétique), ils ont l’intelligence de ne jamais négliger l’histoire et la spiritualité. Signes de prudence et d’enthousiasme.