Bien qu’officiellement classé parmi les policiers, La mort, entre autres tient plutôt du roman historique. L’auteur écossais Philip Kerr reproduit l’après-guerre en Europe, les années 1945-1950, comme s’il y était, comme si nous y étions.
Époque peu connue et sujet dérangeant. Vingt ans après La trilogie berlinoise, écrite en 1989, Kerr ramène le détective Bernhard Gunther qu’il avait laissé en 1947, à Berlin. Nous sommes maintenant à Dachau, en 1949, lieu de damnation entre tous. « Nous n’étions qu’à un jet de pierre de ce qui était naguère le camp de concentration. »
La Seconde Guerre et le IIIe Reich sont derrière lui, mais l’avenir de Gunther ne brille guère pour autant. Dégoûté de tout, des vainqueurs comme des vaincus, il est au bord de l’abîme. Sa femme est folle et mourante. Dans une Allemagne dévastée, le cynique détective se retrouve mêlé à des assassinats, des commandos juifs, des espions américains et des fugitifs nazis.
La mort, entre autres ouvre sur un retour en arrière. Berlin, 1937. Gunther doit accompagner en Palestine Adolf Eichmann, particulièrement fier du fait « qu’il avait fréquenté la même école qu’Adolf Hitler ». Le détective privé découvre ainsi le Lebensraum de Hitler. « Personne ne songea un instant que notre espace vital ne pourrait voir le jour que si d’autres trouvaient la mort. » L’histoire nous a enseigné que le désir du dictateur nazi d’avoir des colonies hors territoire aboutira à la « solution finale », hélas bien connue aujourd’hui : la Shoah et l’assassinat de Tsiganes, de Slaves, d’homosexuels, de communistes et d’autres.
Ce brillant portrait de l’Allemagne en reconstruction, vue de l’intérieur comme rarement, est aussi troublant que passionnant. On ne peut guère s’étonner que le livre de Kerr ait gagné le prix du Polar européen 2009, sur les pas du grand Islandais Arnaldur Indridason (2008).