Même s’il s’agit d’une réédition, le talent de Champetier est si manifeste qu’il convient de saluer toute parution portant sa signature. Les mérites de Champetier sont, en effet, divers et parfois uniques. Tout en se rattachant à un courant littéraire qui privilégie le mouvement et qui s’en voudrait presque de laisser l’esthétique de l’écriture ralentir la trépidation de l’action, Champetier réussit cette quadrature du cercle : il paie tribut au style sans freiner l’enchainement des péripéties.
Champetier, d’autre part, excelle à abolir la frontière entre le quotidien familier et l’univers de l’insolite, entre ce qui s’explique et ce qui bafoue la raison. La peau blanche terminait dans le paranormal un parcours amorcé à l’UQAM (Université du Québec à Montréal) ; La Mémoire du lac débute par un accident de la route avant de basculer dans les possibilités qu’ouvre la sorcellerie. Dans les deux cas, Champetier maîtrise admirablement la gradation du récit. Il prend son lecteur tel qu’il est, pragmatique et sûr de lui, puis il érode sa sécurité et ses certitudes. Quand tombe l’ultime défense cartésienne, il est trop tard, le fantastique impose sa loi et les sceptiques sont confondus !
On remarquera, en outre, à quel point Champetier, comme les meilleurs de ses collègues, soigne sa recherche. Imaginer ne signifie visiblement pas pour lui faire l’économie d’une solide exploration de l’histoire et de la géographie. Même si l’on a lu la première version, ce Champetier mérite l’attention.