Dans La mauvaise rencontre, qui aurait tout aussi bien pu s’intituler « La mauvaise conscience », Philippe Grimbert reprend les thèmes qui lui sont chers : le secret, le double, la perte. Il nous raconte ici la touchante histoire de l’amitié de Loup et Mando qui prend racine dans la petite enfance au parc Monceau sous l’œil distrait des adultes qui les accompagnent et dont rien ne laisse présager la fin.
L’amitié de Loup et Mando, deux jeunes complices qui partagent tout, devait durer éternellement. Ils se voulaient frères, jumeaux même. Or Loup, le narrateur, confesse ce qu’il appelle sa première trahison à l’âge de dix ans : après avoir d’abord accepté de faire un voyage en Italie, en colonie de vacances, avec Mando, il se dérobe, laissant son ami l’attendre en vain sur le quai de la gare. Puis, au retour de Mando, la vie suit son cours et les précipite dans l’adolescence. Une adolescence qui éveillera en eux de nouveaux désirs : la littérature fantastique, le spiritisme, l’écriture, Fellini Enfin, l’aube de l’âge adulte se pointe avec les vocations qui se précisent et qui les mèneront sur des chemins différents : le droit et la politique intéressent Mando alors que Loup se découvre une passion pour la psychanalyse. Puis, en Angleterre, un rendez-vous manqué et, avec le temps, les rencontres s’espacent.
Ce sera des années plus tard, à la lecture des journaux intimes de Mando, que Loup constatera à quel point son ami avait voulu leur amitié idéale : « Obstinément, Mando restera fidèle à sa ligne, tentant de maintenir le mythe de l’âme sœur avec un aveuglement qui me serrera le cœur lorsque j’aurai enfin accès à ses cahiers. Pas une ombre n’y plane, tout au moins jusqu’à l’épisode de notre rupture, avec sa phrase sèche comme un constat de décès ».
Le seul épisode manquant dans ces cahiers explique pourtant bien des choses un épisode dramatique de la vie de Mando qu’il avait choisi de garder secret.
Philippe Grimbert décrit avec finesse le destin des passions, alors que les certitudes et les excès de l’enfance cèdent peu à peu la place aux doutes, laissant s’installer avec le temps une douce indifférence, ce cimetière des sentiments.