Le dernier roman de Pascale Quiviger raconte le lent travail de deuil d’une femme écorchée, sans âge, qui erre dans divers lieux, réels et imaginaires. « Je voulais une maison pour qu’elle m’avale, je me souviens avoir pensé : j’aimerais tant être nulle part. Être nulle, annulée. » Dès les premières pages, elle déniche cette maison de lumière et de silence, mais elle rêve plus qu’elle n’habite ce refuge au bord de la mer, isolé dans son jardin, à l’abri du monde et des horreurs qui, parfois, le rendent inhabitable. La maison des temps rompus, c’est l’histoire d’une blessure, d’une perte immense.
Le récit oscille entre le passé, bien réel, et un présent englué dans ce passé, un présent intermittent, en filigrane, un peu flou, lourd de mystères – qui est la fantomatique Adrienne Chantre dont les cheveux restent secs sous la pluie et dont l’image ne s’imprime pas sur la pellicule ? –, un présent tout entier consacré à la remontée d’un gouffre. « Le propre des remontées, c’est qu’elles se font à tâtons, dans le recherche du sens immédiat. Elles doivent s’arracher au confort relatif de la torpeur, briser l’attachement aux eaux troubles qui nous emportent et aux tristesses familières, se défaire du plaisir morbide de l’insoutenable. »
Dommage que le récit se détourne parfois de l’essentiel, que certains personnages, peu crédibles, y aient pris trop d’espace, comme pour meubler les pages. Ces incursions à la périphérie du sujet viennent malheureusement rompre la tonalité affective de l’écriture qui atteint, parfois, la densité de la prose poétique. Malgré plusieurs belles trouvailles, l’exploration de la plus grande douleur humaine manque ici de conviction, comme si le récit ne s’enracinait que dans l’imagination de l’auteure sans acquérir la force d’un témoignage.