Voici la première parution d’Élisabeth Vonarburg depuis la grande saga de Tyranaël. La maison au bord de la mer est un recueil de sept nouvelles, certaines inédites alors que d’autres sont parues de 1983 à 1992. Tous ces récits, qu’ils parlent de mutants, de clones ou autres créatures, ont quelque chose en commun : la vie artificielle, créée au-delà de l’humain. Évidemment, ces monstres presque humains sont à la marge de l’humanité, et ils se posent des questions sur leur identité…
Les métames, lorsqu’ils perdent le contrôle d’eux-mêmes, deviennent en état d’Amok, intolérable pour le Système. Qu’est-ce à dire ? Les métames sont des êtres surhumains, invincibles mais dénués de libre arbitre, créés pour réaliser les travaux que les humains ne peuvent ou ne veulent pas faire. Parfaitement dociles, les métames le sont jusqu’à ce qu’ils entrent en dépression et alors il arrive qu’ils soient illuminés de conscience et qu’ils aspirent à la condition humaine. C’est ça l’état d’Amok ; et, la plupart du temps, lorsqu’ils en sont atteints, ils ressentent l’envie irrépressible de s’auto-détruire. On les trouve souvent alors en possession d’explosifs, préparant leur suicide. C’est ça la normalité du monde normal. Mais on découvre dans une des nouvelles que parfois les métames en état d’Amok disparaissent tout simplement, se fondant dans les marges de la société pour vivre une vie d’humain, tout simplement, parmi ceux des humains qui sont les plus aptes à accepter leur différence, les marginaux, les gens des quartiers populaires.
On sait que la possibilité de cloner l’humain est probablement techniquement déjà là. Et puis il y a les organismes génétiquement modifiés (OGM). Les métames sont à nos portes. Et on le sait, mais ce sont des sujets dont on ne discute pratiquement jamais. Ce sont des sujets tabous, des tabous qui existent pour de bonnes raisons. Ce que la prose de Vonarburg pose, ce sont les conséquences prévisibles de l’« artificialisation » prévisible de l’être humain.
Elle sonde l’inhumanité de l’humain artificiel. En réalité, ce qu’elle traque c’est l’ontologie de la nature humaine. Au-delà de la science et de la technologie, quand le corps humain sera programmable et modifiable à volonté, où résidera la nature humaine ? Ses réponses sont assez claires : la nature humaine se situe dans la conscience et dans la liberté. Cogito ergo sum est le ressort de tous les récits de ce livre, qui s’érigent contre les codes de pureté établissant à partir de critères ex-cathaedra ce qui est humain et ce qui ne l’est pas, ce qui est normal et ce qui est monstrueux, ce qui doit être conservé et ce qui doit être chassé, puni, détruit. Au-delà du risque totalitaire des sociétés où la norme sociale domine, il y a la liberté qui, ultimement, se trouve être le véritable critère d’humanité. Et les mutants de Vonarburg aspirent diablement à la liberté. Il y a semble-t-il de l’espoir pour notre avenir à tous et toutes.