Michel Onfray livre, dans ce quatrième tome de son journal hédoniste, une série de réflexions éclectiques intemporelles, des articles qui semblent écrits sur le vif, qui démontrent la profondeur de sa pensée. Ce recueil de chroniques relève du journal personnel, presque d’une conversation entre la conscience et la connaissance du philosophe. Ici, rien de formel, aucune citation stricte, seulement une écriture fluide, celle de l’interprétation philosophique, hédoniste pour être juste, de certaines questions à propos de la vie, de la mort et de ce qui se trouve entre les deux.
Ses plus belles pages sont sans conteste celles où il présente les tenants et aboutissants de l’eudémonisme et de l’hédonisme, deux courants de pensée proches mais somme toute opposés (chapitre 2). Ou lorsqu’il décrit certains tableaux de Picasso, laissant entrevoir un érotisme faste (chapitre 9). Ici, il s’attarde à une phrase de Pindare, « Deviens ce que tu es » (chapitre 19). Là, il explique la définition du mot glamour, véritable ode à la consommation immédiate, antithèse de la réflexion (chapitre 12). Il versera même dans la confidence lorsqu’il racontera le voyage qu’il offre à son père pour son quatre-vingtième anniversaire. Cette aventure qui fera du philosophe le spectateur interdit d’une conversation muette entre son père et un vieil Inuk, quelque part sur une banquise dans le Grand Nord québécois.
Mais ces billets ont un fil conducteur indéniable : la passion de l’enseignement. Il faut voir Onfray se débattre contre les philosophes obscurs qui font dans la citation opportuniste et la forme canonique (chapitre 10), pour ensuite plonger dans les bienfaits de la relation entre un Maître et son disciple (chapitre 18).
Sans gants blancs, direct, parfois ironique, souvent irascible, il pose une série de questions auxquelles il répond de superbe façon. Plus faciles d’accès que La puissance d’exister, moins rigoureuses que sa Contre-histoire de la philosophie, voilà une série de réflexions qui peuvent être lues dans le désordre, pour le simple plaisir de côtoyer une pensée profonde et puissante. Et surtout, pour le plaisir de lire un auteur qui connaît les mots, sait les employer et les faire résonner dans leur plus faste sens. Un livre qui permet de penser tout en lisant, et de se laisser aller au plaisir de la philosophie hédoniste.