Les militants de la langue française adoptent trop souvent un ton de déchireurs de chemise qui lasse vite. Ce n’est pas le cas d’Yves Montenay, dont le propos est ici rationnel et solidement documenté. Yves Montenay a enseigné en français et en anglais sur les cinq continents, et il sait de quoi il parle quand il traite des positions respectives de ces deux langues dans le monde. Or, il s’avère que le français détient encore une place de choix sur notre planète, contrairement à ce qu’un certain courant de pensée – voire une certaine mode – veut bien laisser croire.
Certes, l’anglais est loin devant comme langue internationale. Mais il existe encore des dizaines de pays où le français demeure la langue nationale, la langue privilégiée de l’enseignement et la principale langue de communication. Parfois pour des raisons coloniales, mais aussi très souvent en raison tout simplement de son prestige. Et encore aujourd’hui, bien des populations sont attirées par le français et veulent le cultiver, pour diverses raisons, aussi bien culturelles que commerciales – ne serait-ce parfois, que pour se différencier. Ainsi, l’offre ne répond toujours pas à la demande dans les lycées français hors de la France. Il n’en tient qu’aux francophones d’encourager et de soutenir cet élan ; sur ce point, l’auteur n’hésite pas à vanter… le modèle étatsunien, qui repose plus sur l’initiative privée que sur les structures étatiques, et qui s’avère souvent bien plus efficace.
En fait, le pays où le français semble avoir le plus perdu de son prestige est… la France. La France, où un snobisme certain – voire un complexe d’infériorité ? – incite certaines entreprises à adopter l’anglais comme langue de travail. Devant cette observation, Yves Montenay ne crie pas vainement à la trahison, mais il fait remarquer fort judicieusement que ces entreprises se tirent dans le pied en privant leurs propres employés des ressources d’une langue maternelle au profit d’une langue seconde, que la très grande majorité des Français ne maîtriseront jamais autant que le français, ce qui ne peut certainement pas avoir des effets bénéfiques sur la qualité de la réflexion et de la communication.
Au-delà de ces considérations « politiques », l’ouvrage d’Yves Montenay nous fait cadeau d’un rappel historique instructif sur la naissance et la diffusion du français, et surtout, d’un panorama impressionnant et édifiant de la situation du français dans tous les coins du monde. Si on se fie à la section qui porte sur le Canada, il y a tout lieu de croire que l’auteur est très au fait des réalités étrangères et, ne serait-ce que pour cette raison, son livre constitue un outil indispensable d’information et de réflexion sur cette question.