La jeunesse de la cordonnière a été publié en 1996, sous le titre Le château retrouvé. Cette fresque historique constitue le premier tome d’une trilogie dont le deuxième volet, La cordonnière, a paru en 1998 et qui sera complétée par Le fils de la cordonnière.
Au début du roman, Victoire Du Sault, l’héroïne principale, est une jeune fille de quinze ans qui veut à tout prix exercer le métier de cordonnier, jusque-là réservé aux hommes (l’action se passe entre juin 1860 et octobre 1873, sur les rives du lac Saint-Pierre). Non seulement arrive-t-elle à vaincre les préjugés et les obstacles qu’on oppose à son projet, mais encore démontre-t-elle, dans ses créations, une originalité qui l’autorise à espérer les plus grands succès. Autour de la cordonnière gravitent un père autoritaire et tendrement bourru, une mère effacée mais avisée, un grand frère large d’esprit, un voisin séduisant, et plusieurs autres aussi, par l’action desquels revivent nombre de traditions campagnardes et dont la présence permet à la jeune femme d’affirmer sa détermination.
Si elle n’est pas novatrice, l’écriture du roman est soignée, limpide et particulièrement bien rythmée. Les phrases sont souvent longues et commencent volontiers par des inversions, mais elles se résolvent toujours sans trébuchement, malgré une utilisation abondante des subjonctifs. Loin de sentir la recherche et le travail dont elle fut de toute évidence l’objet, l’énonciation atteint un naturel et une aisance qu’on se surprend fréquemment à déguster. Elle rachète l’insistance un peu marquée dont le narrateur fait preuve en justifiant ou en examinant le comportement de ses personnages ; même appuyé, cet accompagnement « psychologique » ne parvient pourtant pas à tout expliquer, tel le revirement amoureux de Victoire qui, après s’être passionnée pour un homme de vingt ans son aîné, finit par épouser le fils de ce dernier, de dix ans son cadet ! Mais Boileau n’a-t-il pas déjà dit que « le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable » ?