Vincent Engel, à mes yeux, compte parmi les plus belles révélations dont L’instant même nous a comblés (et il en est de fort belles). Son art est à la fois réflexion philosophique et récit prenant, implacable logique et réhabilitation de la liberté. Cette fois encore, Engel abolit sans avoir l’air d’y toucher tout ce qui pourrait restreindre la portée de ses nouvelles. Il passe ainsi du virtuel toujours à naître à des récits marqués par la présence nazie, de la parabole hors du temps aux hôpitaux plus que modernes où l’on agonise sous l’œil sec des machines et où l’on puise dans un clone les pièces de rechange du corps humain. L’éternité, c’est aujourd’hui.
Les questions que soulève Vincent Engel nous ébranlent d’autant mieux que cohabitent en lui dans le meilleur respect mutuel le romancier et le moraliste. Jamais la logique ne ronronne dans l’abstraction ; toujours elle agrippe une conscience individuelle immergée dans le charnel. Vincent Engel, dans plusieurs cas, ne conclut pas ou, plutôt, il nous laisse inventer nous-mêmes, selon notre logique à nous et nos valeurs, ce qu’a décidé le personnage. Dans d’autres cas, il conclut sans tout dire : tel personnage brûlera sans la lire une lettre qu’il aurait pu recevoir il y a cinquante ans et qui lui disait… Du grand art.