Le pamphlet de Jacques Keable part d’un constat désolant : on ne produit plus d’émissions littéraires à la télévision au Québec. Pourtant, les Québécois aiment les livres, la moitié d’entre eux lisent régulièrement ; les bibliothèques sont fréquentées et on parle encore des livres à la radio d’État. Pour expliquer cette absence de l’actualité littéraire à la télévision, l’auteur invoque la paresse intellectuelle, le goût du spectaculaire et de la cote d’écoute chez quelques décideurs des grands réseaux, qui veulent « du visuel » et fuient l’apparente austérité des idées. Mais l’essayiste va plus loin : la télévision montréalaise procéderait à une forme implicite de censure envers le livre, pris globalement comme un document subversif.
Cet ouvrage fournit des arguments étayés et un état de la question qui forcent la réflexion. La manière d’aborder le livre, le film, la musique à la télévision reste trop souvent liée à la célébration de quelques stars souvent flamboyantes. Si on prend l’exemple des films, il est vrai que la télévision québécoise joue le jeu de la facilité lorsqu’elle aborde le cinéma uniquement sous l’angle des nouveautés, mettant en vedette des célébrités, se plaçant servilement à la remorque de ceux qui ont les moyens de créer l’événement par des campagnes de publicité. En revanche, les conclusions de Jacques Keable à propos d’une censure tacite de la part des médias restent plus discutables. Ne s’agirait-il pas simplement d’ignorance, d’indifférence, de manque de culture de la part de ceux qui sont censés véhiculer l’information ?
Cet essai devrait inciter le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications du Canada (CRTC) à forcer les télédiffuseurs à augmenter sensiblement leur portion d’émissions culturelles et littéraires.
Et si la télévision privée se mettait à parler de livres ? Qui commanditerait ces émissions ? De quel type d’ouvrages y traiterait-on ?