Sous forme de biographie, d’essai ou encore de réflexions intimes, l’autrice analyse et résume dans un opus écrit pendant la pandémie les principes fondateurs de son œuvre.
Depuis ses débuts littéraires, France Théoret réfléchit à sa façon de mettre au monde sa propre écriture au féminin.
En une douzaine de courts chapitres, tous genres confondus, France Théoret raconte dans La forêt des signes « sa venue à l’écriture et la genèse de ses livres ». Depuis 45 ans, depuis 1976, l’écrivaine montréalaise née en 1942 aura publié une trentaine d’ouvrages – poésie, roman, récit, théâtre et essai. Elle a reçu en 2012 le prix Athanase-David pour l’ensemble de son œuvre.
La romancière revient sur plusieurs aspects de son existence, dont ses origines sociales. « Écrire sur des moments de ma vie permet d’éliminer la complaisance. » Celle qui n’a de cesse de réfléchir à qui elle est et au monde qui l’entoure remonte jusqu’en 1866, alors que son bisaïeul possédait un hôtel « fréquenté par les notables de la ville de Maisonneuve », lequel sera éventuellement vendu. Devenus fortunés, le bisaïeul et l’aïeul offriront au père de France Théoret « une jeunesse aisée et des loisirs », qui, au grand désespoir de l’autrice, « ne comprenai[en]t ni les études, ni la lecture, ni les arts ». Dans les années 1950, la famille s’installera à Saint-Colomban et exploitera « l’hôtel du village ».
France Théoret examine son enfance laborieuse dans l’entreprise familiale et fait un parallèle avec les Tchekhov, Kafka ou Ernaux, qui, comme elle, sont des enfants de commerçants. « Ma première identité de citoyenne a été celle d’une fille de commerçant. […] J’ai connu l’obligation de contester mes apprentissages pour avoir le droit d’être libre. » Comme le personnage de François dans Le torrent d’Anne Hébert, elle réalise avoir été « un enfant dépossédé du monde ». Plus tard, sa route croisera celle des Antonin Artaud, Claude Gauvreau, Nicole Brossard et Virginia Wolfe, ou encore Anouilh, qui l’amèneront à la découverte d’elle-même et de son art.
Le manifeste Le Refus global et la revue La Barre du jour l’ont nourrie autant dans sa recherche intellectuelle que dans ses engagements politique et féministe. « Je désirais inventer une écriture au féminin », précise-t-elle, en ajoutant : « Il est inutile d’écrire si je ne désire pas la liberté ». Les centres d’intérêt de l’autrice sont multiples : le Québec, les femmes, les opprimés, les violences de toutes sortes. Elle cherchera son style d’écriture, qui aujourd’hui la définit. « D’après mes pratiques d’écriture, mes engagements nés de réflexions et de révoltes, je livre des constats sous la forme de synthèses. Mon écriture s’inscrit dans des synthèses, cela tient à ce que je ne peux être et penser autrement. »
France Théoret se décrit ainsi : « Je suis une femme féministe qui écrit, qui vit pour la littérature, en recherche constante d’originalité et de singularité, qui revendique une signature ». Et toute son œuvre en témoigne.