Le huitième roman d’Hélène Lenoir, La folie Silaz, débute avec la mort d’Odette. Cette dernière a élevé Do, son petit-fils qui, à vingt ans, se retrouve seul dans le « foutoir de leur maison ». Couvé toute sa vie par une grand-mère aliénante, le jeune homme montre un laisser-aller tout aussi indélébile que le désordre auparavant cultivé avec la défunte.
Ce n’est pas l’absence d’Odette, toutefois, qui trouble le plus les personnages du roman. Le père de Do, Georges Silaz, est parti depuis des années en mission humanitaire. Tous se demandent si la mort de sa mère sera le coup de force qui le fera réapparaître. Cela va jusqu’à réveiller des tensions entre Muriel, la sœur de Georges, et Carine, la mère de Do. S’ajoute au tumulte le comportement antisocial du fils, cet enfant abandonné que Carine a espoir d’aider, même si elle a depuis longtemps refait sa vie dans une ville éloignée.
Lenoir, dans ce texte où se mêlent dialogues et monologues intérieurs, représente des dynamiques destructrices. À travers sa mise en scène du quotidien, elle montre une violence sourde qui est rarement extériorisée physiquement ou de manière directe. Cette pulsion se manifeste dans des gestes qui, a priori, pourraient sembler anodins. Pourtant, le lecteur devine la nature symptomatique des réactions des personnages. La force de l’auteure est justement dans cette capacité de situer l’enjeu de son roman à un niveau qui dépasse les protagonistes. Cela donne une œuvre centrée sur l’émotivité, une écriture qui saisit ses personnages à fleur de peau.