Audacieux dans son sujet, le bouquin ne parvient pas à convaincre. Le grand mérite de cette réédition d’un roman publié il y a plus de vingt ans est de révéler le chemin parcouru depuis lors par l’auteure. Louise Tremblay-D’Essiambre ne se permettrait plus les virages imprévus et injustifiés qui foisonnent dans cette première œuvre.

Joseph, mâle autoritaire, mari, père et employeur dominateur, rend la vie difficile à sa femme, à sa fille, à tout son entourage. Il passe pourtant sans transition à d’étranges moments de remords et d’introspection. Puis, il revient tout aussi brusquement à ses vilains réflexes. De son côté, la petite Julie, cruellement privée du soutien de sa mère, se jure de parvenir à un sommet d’où elle pourra, en plus de jouir de l’indépendance, faire sentir son pouvoir à autrui. Quand survient un viol, que le récit enregistre sans jamais en sonder le mystère, Julie en conclut que son cheminement doit désormais s’effectuer à distance des hommes. Son ambition ne meurt pas, mais elle oriente la jeune femme vers la vie religieuse, monde exclusivement féminin. C’est là que Julie, malgré le fait que Dieu ne représente pas grand-chose pour elle, entreprend sa conquête du pouvoir. Étonnamment, le plan semble fonctionner. Julie gravit les échelons, désarme les méfiances, accède aux responsabilités. Puis, renaissent les doutes et les regrets. Julie renoue avec Joseph, participe à ses projets, devient presque la collaboratrice dont il rêvait. Mais il s’agit d’une valse-hésitation qui déroute le lecteur. Julie décide de quitter la vie religieuse, puis elle change d’idée et accepte de nouvelles fonctions. Elle promet à Joseph de collaborer de près à l’expansion de son atelier, puis elle tergiverse, revient sur sa décision, néglige d’en aviser son père… Femme sans stabilité, rongée par une rancune qui a perdu son sens, égarée dans un univers où seule la foi permet d’accepter la solitude et l’obéissance, elle sera sans défense lorsque se présentera, assez artificiellement d’ailleurs, l’occasion de reprendre son destin depuis zéro. Les œuvres récentes de l’auteure reposent sur des personnages plus cohérents.