La parution d’un autre essai sur la langue, particulièrement au Québec, pourrait bien ne causer que haussement d’épaules, roulement des yeux et soupirs d’indifférence. Certains, à la lecture du sous-titre, De François Rabelais à Réjean Ducharme, croiraient peut-être y trouver une autre tentative de tisser des liens avec la grande littérature dans un ultime effort pour légitimer notre littérature Ils auraient misérablement tort et se priveraient d’une lecture tout aussi passionnante qu’instructive ! En effet, La fabrique de la langue, tout fraîchement publié par Lise Gauvin, est une expérience littéraire où l’érudition de l’auteure rivalise avec une étonnante accessibilité.
Lise Gauvin, professeure de littérature à l’Université de Montréal et spécialiste des rapports entre langue et littérature, ne nous propose point qu’un banal résumé historico-littéraire des quatre cents dernières années, mais aussi, et surtout – ô jouissance indicible -, un voyage inusité dans les plus beaux textes de la littérature francophone. Toute son argumentation repose sur des exemples puisés dans des textes littéraires et c’est sans doute ce qui distingue cet essai : c’est bien de littérature qu’il s’agit (et non d’obscures références théoriques qui permettent parfois d’en faire l’analyse). C’est la littérature, la beauté des textes, la diversité des rôles joués par Rabelais, Racine, Hugo, Balzac, Proust, Céline, et j’en passe, dans la formation et l’évolution de la langue française, d’une langue vivante que Gaston Miron, Henri Lopès, Jean-Pierre Verheggen, Abdelkebir Khatibi, Édouard Glissant, Léopold Senghor ou Réjean Ducharme et autres « francophones » feront littéralement éclater.
La fabrique de la langue raconte la naissance et les multiples mutations de la langue française, de ses origines franco-françaises à aujourd’hui, en passant par la naissance du concept de francophonie. On y trouvera, non seulement, l’essentiel des littératures de la francophonie, mais aussi de formidables sujets de discussion pour ceux qui craignent toute incursion de mots étrangers dans la langue française, au Québec par exemple