Admirable poète, Serge Patrice Thibodeau tâte ici de l’essai. Le sujet, la torture, est de ceux dont la seule évocation fait monter le cœur dans la gorge et dont la description détaillée fait désespérer de la bête humaine. Or, Serge Patrice Thibodeau, qui milite depuis des années au sein d’Amnistie internationale, parle de la torture en homme qui a recueilli personnellement les témoignages de personnes humiliées jusqu’à l’âme par cette persistante et honteuse pratique, en homme qui peut dire où, quand, comment des humains, sous l’œil approbateur de leur État, broient d’autres humains.
Les meilleures pages sont celles où les réflexes du poète prennent les commandes. Il débusque alors les euphémismes qui, à travers le temps et l’espace, ont servi à enrober la torture dans des expressions quotidiennes, banales, hypocrites, comme si les bourreaux hésitaient à prendre conscience de leur métier, comme s’ils se protégeaient par un argot trompeur et lénifiant.
En ajoutant à son propre témoignage les principaux textes internationaux concernant les droits fondamentaux et la torture, Serge Patrice Thibodeau ajoute une autre dimension à son plaidoyer : il fait voir l’hypocrisie de bien des signatures. Car la torture est encore répandue dans plus de 60 pays.
Essai à la structure parfois hésitante, mais livre nécessaire.