Voici la poignante confession d’une femme qui n’a « pas d’autres territoires d’autres lieux d’autres lits que la page noircie avec les mots de [sa] faim ». Cette quinquagénaire seule vient d’enterrer sa mère et voit sa fille quitter le nid ; elle reste en arrière donc, l’enveloppe charnelle et l’âme frustrées. Mais n’allez pas la croire dépressive : la narratrice a envie de sentir ce corps, qui lui correspond de moins en moins, jouir encore, et son esprit apprendre, ne serait-ce que la langue espagnole pour flirter avec le bel étranger en voyage.
Elle se raconte donc par touches intimistes dans une parataxe sans ponctuation, laissant le lecteur suivre le cours de sa pensée. Organisé en courts chapitres dont chacun aborde un thème précis, ce monologue évite ainsi les allures de logorrhée désarticulée.
La dévorante est un fort joli premier roman sans fausse pudeur et bien maîtrisé, d’une auteure qui a saisi l’essence précieuse de la création littéraire.