Sur le plan strictement anecdotique, La désertion, de Pierre Yergeau, évoque la vie à la fois banale et étonnante de Michelle-Anne Hanse, dite Mie, fille d’un trapéziste et d’une chanteuse de club, élevée par sa grand-mère dans un camp de bûcherons des environs de Senneterre, puis recueillie par un restaurateur chinois de Val d’Or. Michelle épousera un certain Jean Marlo, beau garçon s’il en est un, mais aussi ivrogne que peu fiable. Elle aura six enfants, deviendra veuve et finira sa vie à Laval-des-Rapides, dans un immeuble réservé aux personnes âgées.
On l’aura deviné, la force du roman ne réside pas tant dans la nature de son propos que dans la manière dont son contenu est présenté. Les descriptions, par exemple, sont tout à fait somptueuses, surtout celles qui dépeignent les paysages abitibiens. Le style empreint d’intériorité est souvent poétique. Mais par-dessus tout, c’est la structure de l’œuvre qui fait son originalité, une structure non linéaire qui suit une série d’allers et retours dans le temps à travers lesquels se déploient les souvenirs de Michelle-Anne Hanse. Construit à partir de très courts chapitres qui font penser à des instantanés, l’ouvrage se parcourt un peu à la manière d’un album de photos, procédé qui rend très bien le caractère fragmenté de la mémoire. Compte tenu du travail sur le temps, le destin, l’instant et le souvenir que représente La désertion, il est dommage que sa lecture ne s’avère pas plus captivante.