Roman d’une génération ? À coup sûr, La dernière métamorphose parlera plus aux trente-cinq ans et moins qu’à leurs pères. Le sujet est néanmoins atemporel : un trentenaire, lassé d’une vie superficielle, s’isole dans sa chambre pour échapper au rôle qu’on lui donne. Il devient ce que la culture japonaise appelle un hikikomori. D’abord, son but est de se changer en cancrelat, comme Gregor dans la Métamorphose de Kafka. D’abord. Mais peu à peu, il se rend bien compte que cette transformation, si jamais elle avait lieu, serait aussi artificielle que sa vie passée. Il sort donc de son coin obscur pour tenter de trouver, dans le vaste monde d’Internet, là où l’on peut être tout et rien, son propre moi. Mais qui est-il au juste ?… Un coquille vide ? C’est la constatation à laquelle parvient le pauvre hikikomori après avoir fouillé son passé. Toute sa vie, il n’a fait que répondre aux attentes de ses amis, de ses parents chez qui il vit toujours d’ailleurs (et qui lui apportent ses repas), des femmes… en somme, ce nous auquel tout un chacun est appelé à s’identifier s’il veut accomplir une mission, réclamer, combattre… Il ne lui reste que trois alternatives : soit il devient lui, qui n’est rien, soit il redevient celui qu’il fut, mais cette image a fui, soit il embrasse une cause, ce qui revient aussi à disparaître. Comme il s’en rend bien compte, le désir de laisser sa trace en ce bas monde, en empruntant le rôle d’écrivain ou d’activiste par exemple, est malheureusement un signe des temps. Internet le démontre. Toute une génération de cancrelats comme lui, qui n’ont pas su trouver leur place dans la société, cherchent à se faire reconnaître pour ce qu’ils sont vraiment : le papillon qui est dans le cocon. Au fil de cette longue introspection un brin philosophique, le narrateur nous livre en parallèle une lecture originale du chef-d’œuvre de Kafka. L’auteur montre aussi qu’avec cette mondialisation dont on nous rabâche les oreilles, et qui n’est pas étrangère au malaise du jeune homme, les différences entre un jeune Japonais et un Québécois sont de moins en moins frappantes. La crise que vit la génération de l’après baby-boom, que l’on provienne d’Asie ou d’Amérique, est, ma foi, semblable. Entre un individualisme exacerbé et ce nous qui est la mort du je, où aller ? comment se dire ?
ESPACE PUBLICITAIRE
DERNIERS NUMÉROS
DERNIERS COMMENTAIRES DE LECTURE
Loading...