Laurent Laplante, l’homme aux multiples antennes, consacre ce nouvel essai au bulletin de santé de la démocratie telle que vécue ici et maintenant. Avec intelligence et lucidité, il nous en fait voir les maux, et comprendre les périls auxquels elle fait face. Laplante n’ignore pas que la démocratie soit un idéal dont les sommets sont inaccessibles, mais considère qu’elle « demeure la plus apte à nourrir l’espoir, que cet espoir vise la personne ou la collectivité ». Ardent défenseur de la liberté, il appelle « illusion » la croyance fort répandue selon laquelle la démocratie se vivrait de façon exemplaire dans notre pays. Bien loin de l’idéal, notre régime démocratique serait squatté, parce que vidé d’une partie de sa substance. Parmi les facteurs qu’identifie l’essayiste, on trouve le mirage électoral, les sondages, le carcan des partis, les caisses occultes et autres tricheries, les éminences grises non élues et les démarcheurs au service d’intérêts privés qui court-circuitent les groupes de citoyens. Place aux intérêts financiers, aux populistes, aux humeuristes enclins aux jugements spontanés et péremptoires, bref aux démagoguesde tout acabit.L’analyse approfondie, le sens critique et le recul politique n’ayant pas la cote, les squatteurs auraient beau jeu pour exercer leur emprise sur l’opinion. D’autant plus que le quatrième pouvoir n’exerce plus son rôle de chien de garde, de déplorer en connaissance de cause le journaliste Laplante, qui attribue ce recul à la concentration de la presse et au gonflement des conglomérats, à la direction des médias par « des gestionnaires plus aptes à quantifier les rendements qu’à assurer l’aération démocratique de la société». Il identifie aussi la formation même des futurs journalistes comme l’un des facteurs de l’érosion du quatrième pouvoir : ne pas distinguer les éthiques respectives du journalisme, des relations publiques et de la publicité, comme cela se pratiquerait souvent, relève de l’aberration, d’arguer l’auteur.
Des pages denses, qui traitent également des atouts et des dangers d’Internet pour la démocratie, du flou linguistique qui entraîne des distorsions dans l’information, de la soif de sécurité des citoyens qu’exploitent à fond propagandistes et démagogues. Pour aider le peuple à se soustraire au conditionnement médiatique, Laplante préconise l’éducation car « [a]lphabétiser un peuple, c’est lui ouvrir la voie de la lucidité, de l’analyse, de la clarté des choix ». Car éduquer, c’est investir.
Essai sérieux donc, dont la lecture est agrémentée par la vivacité et la clarté du style, la justesse d’images inédites, et des exemples empruntés à la scène publique dont nous sommes tous témoins.