« J’ai toujours été caméléon », dit Charles Aymon d’Arboud, alias Thomas Vincent. Voilà un homme qui se laisse investir d’une mission pour le moins inusitée : endosser l’identité d’un lieutenant mort en Bosnie dans le but de guérir d’un traumatisme une jeune femme plutôt bien de sa personne. « Cette fille réunit en elle ce que j’ai toujours cherché chez une femme, et que je croyais incompatible : l’enfance, la solitude, l’humour, la gentillesse et le cul. »
L’anonyme employé du Service des déclarations à la Société des auteurs entreprend sa deuxième vie après sa rencontre fortuite avec ce qui a tout l’air d’une « chieuse de première ». Au fil des pages, l’ambitieuse visée d’Edmée Germain-Lamart, ancienne championne de voltige aérienne, se réalise, et plus encore : Thomas se découvre et se transforme au contact de la belle et intrépide Hélène qui réussit, par l’entremise de son chevalier ardent, un sauvetage hors du commun. Didier van Cauwelaert aborde avec sensibilité des thèmes difficiles : la vieillesse, la déficience physique, les rapports mère-fille et, surtout, les rêves… cette part de vérité qui tient la morosité à distance.
Didier van Cauwelaert semble avoir un faible pour les situations rocambolesques. On se souviendra d’une espèce de possédé, en 1986, dans Les vacances du fantôme , et du sémillant trépassé de La vie interdite en 1997. Avec La demi-pensionnaire , il met encore en scène des personnages attachants dont la vigueur et la sensibilité séduisent à coup sûr. La plume alerte, le romancier manie la langue et l’humour comme un chef fait mousser un sabayon ! À chaque page on savoure une trouvaille, un mot d’esprit. Un pur délice ! Pas étonnant qu’on lui ait décerné, en 1994, le Prix Goncourt pour Un aller simple .