Critique littéraire à L’Express, Michel Crépu n’a pas que des fleurs à déposer aux pieds de la littérature d’aujourd’hui. Il la juge si aisément intimidée par la sociologie que « l’on ne sait plus, en France, ce que c’est qu’un roman tout court ». Car la sociologie stérilise : elle a le réflexe si peu littéraire qu’elle ignore le cœur humain pour ne voir que « les gens ». Que s’est-il passé, demande Michel Crépu, pour que la littérature française d’avant 1980 soit disparue et pour qu’il soit mal vu de relire Maurois ou Dostoïevski ou Bernanos ? Lui, il lit tout.
La confusion des lettres, c’est donc une myopie. Il faut, en effet, beaucoup de myopie pour oser dire « jamais plus » devant les horreurs qui, paraît-il, dépassent l’entendement. Ces horreurs se répéteront forcément puisqu’elles sourdent de l’immuable cœur humain. Mais cette myopie trouve une connivence dans la facilité. On écrit, mais on ne va pas au bout ni de soi ni de l’humain. D’où une littérature inapte au plaisir comme à la lucidité, incapable de vraie tristesse comme de courage, émasculée par une autocensure inavouée et honteuse.
Bellement impatient, Michel Crépu résiste mal à la tentation de télescoper l’argumentation, de préférer la formule à la preuve. Cela donne du nerf au texte, mais aux dépens de la clarté.