La Blasphème, premier roman de la Gaspésienne Anick Fortin, nous sert du cru, « de la frustration, de la violence et du cul, du sang et des morts », comme l’annonce la quatrième de couverture. Nécessité intérieure, désir de choquer ? Équivoque ! À la veille de ses 18 ans, une jeune fille déballe un passé où le rapport à la mère aura été particulièrement pénible et pervers. La remémoration d’une enfance difficile mène d’un événement morbide à un autre, révélant le parcours d’une fille brillante, caustique et cinglante.
Le suicide assisté de la marâtre surprend et ne surprend pas – le battage publicitaire autour du roman ayant d’emblée révélé cet élément – mais le récit est habilement mené. L’enfance était insoutenable, les souffrances devaient être abrégées et cela de façon abrupte. Comme si, pour cette fillette de huit ans, achever sa mère sur demande, c’était déjà tout réfléchi et facile. C’est dans le ton : le roman est froid et sec, cassant, hivernal. La suite sera faite d’affrontements avec le monde des adultes, mais aussi de la découverte d’un brin de bonheur en compagnie de l’Oncle : la jeune découvre le travail du bois.
Euthanasie, hiver, sang, sexe et lucidité s’amalgament dans une logique parfois déroutante, mais cohérente. L’humour noir déployé vaut le détour, pour peu qu’on aime les personnages marginaux qui se refusent à tout, qui refusent particulièrement l’assimilation à la logique des autres et qui plient le monde à leur cosmogonie. Sous cette rubrique, les « commandements » que se donne La Blasphème en constituent les axiomes étonnants : « Tu pourras tolérer les erreurs des autres : ce sont des imbéciles » ; «Tu n’accepteras pas l’erreur pour toi : tu n’es pas censée être imbécile » ; « Tu accepteras que les autres tolèrent tes erreurs : tu seras toujours l’imbécile de quelqu’un d’autre. » Et bien d’autres du genre, à découvrir avec une auteure qui possède assurément une voix talentueuse pour raconter des histoires.