« Comment peut-on être Allemande ? » demandait l’actrice bavaroise naturalisée française Romy Schneider. Tel un écho, Évelyne Bloch-Dano se demande à son tour : « Comment peut-on être Juive allemande ? » comme sa mère ayant fui son petit village de Bavière pour la France dans les dernières années avant la Seconde Guerre mondiale. Avec La biographe, Bloch-Dano offre un récit beaucoup plus personnel que les classiques biographies Madame Zola, Madame Proust ou Flora Tristan, la femme-messiepour lesquelles elle a récolté de nombreux prix.
Entrecroisant les destins pourtant si différents de la célèbre actrice et de sa propre mère, l’auteure parvient néanmoins à éclairer sous un même angle la vie de ces deux Allemandes qui, par choix ou nécessité, ont quitté leur pays natal. Au cœur de leur dilemme commun : une difficile recherche d’identité marquée, pour l’une, par un immense sentiment de culpabilité en raison de l’allégeance affichée de sa mère, l’actrice Magda Schneider, pour le nazisme – Romy croit même qu’elle a été la maîtresse de Hitler à une époque de sa vie – et, pour l’autre, par un désir d’humiliation qui la fera s’engager dans l’Armée française d’Occupation, heureuse de voir Berlin dévasté et l’Allemagne à genoux.
Les lecteurs de biographies n’y trouveront sans doute pas leur compte. La vie de Romy Schneider – de son vrai nom Rosemarie Albach – est esquissée à grands traits pour ne garder que l’essentiel du destin de cette femme jetée trop tôt dans l’arène des fauves – elle a 15 ans à peine lorsqu’elle tourne son premier film -, exploitée par sa mère et son beau-père, et dont les amours malheureuses, la mort tragique de son fils et son propre suicide ont fait la une de tous les journaux. Mais les parallèles esquissés par Évelyne Bloch-Dano soulèvent de nouveaux questionnements sur cette plaie européenne inguérissable, la Shoah, et sur la complexité de l’identité nationale et individuelle des Allemands de l’après-guerre.