Jacky Alaux a émigré au Canada, dont il est citoyen depuis près de 40 ans, juste après la guerre d’Algérie. Impliqué dans cette guerre, Alaux le fut à double titre. En tant que pied-noir d’abord, parmi ces Français établis en Algérie depuis 1830. En tant que volontaire parachutiste ensuite, engagé dans une des plus prestigieuses unités militaires qui combattirent le Front de libération nationale de 1957 à 1962. Avec son régiment de chasseurs parachutistes (il s’agit d’une unité d’infanterie), il prend part aux combats contre les rebelles dans les hauts plateaux ; une « sale guerre » si l’on peut encore concevoir qu’il en existe des propres. Mais dans le cas de celle-ci, le malaise vient du fait que des gens qui avaient cru en l’avenir de ce département français ont eu le sentiment d’être mystifiés, lâchés à la dernière minute par le pouvoir, floués par ce que beaucoup ont pu considérer comme une volte-face politique. Des historiens se penchent encore avec des arguments divers, voire contradictoires, sur cette période. Jacky Alaux, lui, raconte « sa » guerre, avec des mots simples, un style qui s’apparente à celui d’un journal de route, et on le devine une certaine réserve, sinon une sourde rancœur du reste parfaitement compréhensible, pour conclure : « Les pieds-noirs doivent s’en aller ; ils n’auront droit qu’à vingt kilos de bagages chacun. Ils perdent leur pays, leurs biens et leur identité. Là-bas, en France, personne ne les attend. Après le sang, ce sont les larmes qui coulent. »
On pardonnera volontiers à l’auteur certaines inexactitudes, au demeurant fort dérisoires : page 106, par exemple, dans les paroles de la chanson des paras. Mais Jacky Alaux n’est pas écrivain (il en convient très humblement), et ne se prétend pas mémorialiste.
Même s’il a choisi de faire sa vie outre-Atlantique, il est de ces orphelins d’une Histoire qui a laissé béantes bien des plaies ; il s’interroge encore et tente de comprendre à qui a bien pu profiter ce qu’il estime être un gâchis : « À la France [ ] ? Ou encore à l’Algérie, ce magnifique pays qui a récolté les fruits d’une indépendance bâclée [ ] ? ». Des questionnements illusoires que les pieds-noirs, et plus généralement tous ceux que les événements de 1962 ont traumatisés, dans leur chair ou dans leur âme, ont dû se poser.