Joséphine Bacon vient de faire paraître un grand livre d’horizon. Il s’agit de son quatrième recueil depuis 2009.
Nous sommes nombreux à aimer la poète innue originaire de Pessamit et sa poésie. Le lien particulier qu’elle entretient avec ses lecteurs fait partie intégrante de son œuvre. Elle parle naturellement à l’autre, son écriture semble tournée vers nous. Toute poésie ne devrait-elle pas l’être ?
Dans le touchant documentaire Je m’appelle humain de la cinéaste abénaquise Kim O’Bomsawin, Joséphine Bacon affirme : « Je ne dis pas que je suis poète, je dis que dans les mots simples que j’écris les gens y trouvent leur poésie ». On reconnaît, ici, l’humilité vraie qui devrait habiter chaque être humain devant le langage. À la lecture de ses textes, on comprend qu’elle pose la même question que Gilles Vigneault : comment vous donner des nouvelles ?
Descendre dans les mots de Joséphine Bacon, c’est toucher à l’écho du monde. Un monde passé par le tamis et le travail de la mémoire. Ne dit-elle pas, dans le prologue, qu’il faut « savoir transmettre » et « donner à ceux qui veulent entendre » ? Ceux-ci, à leur tour, « continueront encore une fois, kau minuat une fois de plus, pour la mémoire ».
Et c’est ainsi que le lecteur avance dans les mots et les pas de Joséphine Bacon. On devine, dans la lumière de sa poésie, la voix des anciens. On entend également le cœur battant de la poète. Ici, le mot battant prend le sens de « pulsation », mais aussi de « batailleur ». Elle écrit : « J’ai choisi mon cœur / son battement ». Et tout à coup, on éprouve la présence du tambour qui rythme l’intérieur des jours ou des souvenirs.
Kau Minuat / Une fois de plus nous donne à lire chaque poème en français et en innu-aimun. Les deux langues se rencontrent. Cela contribue à la compréhension du texte en plus de révéler l’âme et la sonorité si caractéristique de la parole autochtone. On passerait à côté d’une riche expérience de lecture en ne s’intéressant qu’à la version française. Les pages de droite, où se trouvent les poèmes en innu-aimun, nous font voir la langue de cette terre d’Amérique. La langue qui habite au nord du monde, dirait Miron. On se surprend à vouloir lire à haute voix cette langue première que le temps continue d’éclairer. Et on entend, dans l’enchevêtrement magique des voyelles et des consonnes, un chant d’espoir. Les mots et leur alignement nous rappellent une portée musicale. Et cette musique inconnue, on la perçoit aussi dans les poèmes en français.
Alors, qu’est-ce qu’il y a dans ce livre ? Il y a notre regard désencombré. Une parole qui ouvre l’horizon. « La neige a bleui sous les raquettes / Un cœur s’abandonne / Dans la lenteur des pas / Le froid s’installe / J’écoute la glace / Tombe, neige / Nourris les glaciers / Affamés d’histoires / De leur naissance »
Enfin, il faut souligner la postface exemplaire de Marie-Andrée Gill. Un texte d’amitié, de respect et d’admiration où elle dit : « Tout est là et se tient dans la simplicité des saisons, de la naissance et de la mort qui enveloppent les poèmes d’un sentiment de profondeur et d’éternité ».