Thème familier pour André Lachance que celui de la justice au temps du régime français. Au fil des années, les bouquins se complètent les uns les autres sans que jamais Lachance se substitue aux documents d’époque, verse dans le moralisme ou laisse les anachronismes fausser les perspectives. La méthode est souvent ingénieuse, cette fois encore. Lachance, en effet, contourne intelligemment les trous qui peuvent exister dans un litige particulier : quand une lacune l’empêche de suivre un criminel depuis son forfait jusqu’à la sanction, il met bout à bout des éléments de dossiers différents, mais apparentés. On n’acquiert pas la certitude que tel criminel a écopé de telle sentence, mais on comprend que telle sanction punissait généralement les coupables semblables à celui-ci. Lachance ne triche quand même pas : mieux vaut une telle « course à relais » qu’un récit où la fiction se permettrait de combler les vides.
L’époque était punitive ? Sans doute. Elle ne laissait personne compromettre l’ordre dans une société fragile. Cet ordre, forcément, différait du nôtre. La société autorisait la vente d’esclaves, elle amnistiait un coupable si elle avait besoin de lui comme bourreau, elle s’acharnait à punir le corps du suicidé, elle ne considérait pas souvent la pauvreté comme une excuse acceptable, elle pendait la jeune mère infanticide et oubliait parfois de sanctionner le séducteur… Mieux vaut quand même savoir, en dépit de ces caractéristiques déroutantes, que la Nouvelle-France du XVIIIe nous a enfantés. Lachance, sobrement, présente les documents et nous laisse juger.