Romancier né à Paris en 1945, Georges Picard a publié pas moins de seize livres chez José Corti depuis 1993. La plupart ont un titre qui frappe l’attention : De la connerie (1994), Le génie à l’usage de ceux qui n’en ont pas (1996), Tout m’énerve (1997), Le bar de l’insomnie (2004), Le philosophe facétieux (2008) Réédition d’un récit paru en 1988 aux éditions Calligrammes, Journal ironique d’une rivalité amoureuse n’a rien perdu de son mordant 22 ans plus tard.
Ce journal, qui, constate-t-on assez vite, n’en est pas véritablement un, retrace les étapes d’une tentative maladroite de séduction. Le narrateur, un jeune homme imaginatif, travaille comme coursier à Paris. Il rivalise avec son ami Vasco pour séduire une jeune fille habitant au-dessus de chez lui et qu’il a rêveusement surnommée « Cymbeline », comme la parfumerie et comme le roi (!) dans la comédie shakespearienne éponyme. Cette rivalité se révèle toutefois trompeuse, car le narrateur paraît moins préoccupé par son projet de conquête que par l’épanchement de ses humeurs. D’où ses divers confidents, à commencer par Monsieur Tho, un cordonnier vietnamien au français approximatif qui adore entendre le narrateur lui parler d’« ibili » (Cymbeline). On y croise aussi Djahid, collègue sans papiers et coursier le plus rapide de Paris, de même qu’un vieux lion du zoo de Vincennes.
L’écriture de Picard plaira par sa verve facétieuse, très efficace dans l’expression d’une amertume exempte de gravité. Journal ironique d’une rivalité amoureuse rappelle par endroits Gros-Câlin, Cioran (en nettement moins désabusé), mais surtout Robert Walser, dont Picard se réapproprie brillamment l’esprit flâneur et la fraîche mélancolie.