Ce que Georges Aubin lit en Louis-Hippolyte La Fontaine ne ressemble guère à ce que John Saul y a vu. Autant John Saul fait de La Fontaine, avec son vis-à-vis Robert Baldwin, la vivante démonstration de ce que peut être, à son sommet, la connivence entre les deux Canadas, autant Georges Aubin nous place devant un homme politique bien peu prophétique et dont la naïveté est plus patente que la lucidité.
Il faut cependant être de bon compte. La Fontaine, dans ce journal de voyage, parle de ses rencontres, de son tourisme, du mal de mer de ses compagnons de voyage plus que de politique. Si, cependant, il en parle, c’est pour exprimer l’admiration qu’il porte à Durham et qui lui permet d’entrevoir quel beau travail celui-ci va accomplir. Point n’est besoin d’insister. Les notes de Georges Aubin, courtes et précises, permettent de percevoir La Fontaine comme un voyageur fortuné, introduit dans les bons réseaux, plus perméable aux idées reçues que pénétrant.
Atout sans doute accessoire, mais fascinant, le journal de La Fontaine donne un aperçu étonnant de ce qu’était la langue française de l’époque, orthographe et anglicismes compris. Tout comme il manifeste à quel point la culture québécoise du temps se tenait à l’écoute de Londres et de Paris, parfois pour prévoir l’avenir québécois en écoutant les débats du Parlement anglais, parfois pour savoir, en cas de visite à Paris, quel théâtre ou quel restaurant fréquenter. La Fontaine, en tout cas, ne sort pas grandi de notre lecture de son journal intime. Surtout quand on songe que ce journal est rédigé fin 1837 et début 1838.