Avec Johnny, Catherine Eve Groleau signe une des belles découvertes de l’automne 2017.
Le personnage éponyme a quitté Odanak et débarque à Montréal au début de la vingtaine dans l’idée de s’y faire une vie, même s’il doit pour cela renier ses racines et passer pour un Italien. Johnny se taille une place de petit criminel, place qui lui paraîtra longtemps ensoleillée. C’est peut-être la rencontre de Valentine, belle comme un astre, qui lui permet de garder espoir sans se poser de questions.Or, les éclats de lumière cachent parfois d’autres misères encore.
L’histoire de ces deux êtres qui misent sur leur rencontre pour fuir la misère nous fait parcourir le temps récent, principalement les années 1970 et 1980, en les évoquant d’une façon particulièrement sensuelle. On sent l’étoffe des costumes à épaulettes, on reconnaît un habit de ski aux couleurs vives et le rythme particulier des BMX ou des voitures américaines. Avec le même talent, Catherine Eve Groleau parcourt la province des Laurentides au Bas-du-Fleuve en passant par Montréal, Laval et Québec. Peut-être est-ce parce que je connais bien plusieurs des régions évoquées qu’elles m’ont semblé s’éveiller avec une rare acuité sensorielle et sociologique. Le Saint-Sauveur qui nous est dépeintà l’occasion d’une cérémonie qui rappelle certains mariages de vedettes d’une autre époque n’est pas fait que de denses forêts, mais montre aussi un luxe nouveau et ostentatoire.
Le récit de Johnny, Valentine et leurs quatre enfants se déploie grâce à un ton uniforme, une écriture plate et distante qui crée une impression cinématographique, presque documentaire, et distille une inquiétude, comme si notre lecture s’accompagnait de cette petite musique anxiogène qui annonce le moment où tout éclate. Toutefois, et c’est là sans doute la plus grande qualité du livre, même quand des événements graves se produisent, la narration ne perd pas son rythme régulier et rien ne semble jamais être suffisant pour faire taire cette sourde angoisse.
Le roman commence sur une scène d’autoroute : c’est Valentine filant vers l’est à la recherche d’un nouveau départ même si personne ne s’est jamais débarrassé de ses démons en faisant de la route. De même, la monotonie captivante de Catherine Eve Groleau nous offre un récit qui ne vacille jamais.
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