Thèse de doctorat à l’origine, le dernier essai de Robert Harvey a pour objectif d’esquisser « les grandes lignes » de la poétique d’Anne Hébert, la poétique étant ici définie comme les « principes qui président à l’organisation d’une œuvre ». Dans la première partie, l’essayiste se propose d’« [examiner] les fondements imaginatifs de l’œuvre, ou les principes unificateurs de son langage, à travers trois textes de jeunesse » : il s’agit du recueil Les songes en équilibre (1942), de la nouvelle « L’ange de Dominique » (1945) et de la pièce de théâtre L’arche de midi, rédigée en 1944-1945 et demeurée manuscrite depuis. Dans la seconde partie, Harvey « propose une étude en profondeur du recueil Le tombeau des rois » (1960) pour découvrir, dans cette « œuvre de maturité », « l’accomplissement » du « processus d’élaboration » découvert dans les trois textes précédents. Si Roland Barthes fournit le cadre référentiel de base, d’autres auteurs sont aussi convoqués : Northrop Frye et Jean Baudrillard surtout, mais aussi Roger Caillois, Émile Benveniste, Jean-Michel Adam, Mircea Eliade
Robert Harvey s’emploie grosso modo à une lecture génétique, herméneutique et thématique de l’œuvre d’Anne Hébert. Il souligne en effet les influences externes (la Bible, Supervielle, par exemple), il procède à une interprétation sémantique axée sur la continuité positionnelle des textes les uns par rapport aux autres et il multiplie les rapprochements entre les différentes œuvres de façon à montrer l’essaimage des motifs récurrents. Un tel parcours tend bien sûr vers la paraphrase textuelle. Il témoigne en revanche d’une fréquentation assidue et perspicace des textes discutés et Harvey y affiche une retenue et une prudence dignes de mention. À noter encore la qualité de la bibliographie terminale et la pertinence d’une « chronologie de l’œuvre ».
À sa manière, la Poétique d’Anne Hébert est un jalon important et significatif dans la liste de plus en plus volumineuse des études hébertiennes.