Correctrice et traductrice, Marie Larocque se qualifie de « folle voyageuse de 43 ans […] qui vit à Haïti parce qu’il y fait chaud et que le dernier de ses amoureux lui plaît bien ». Elle a tenu, jusqu’en 2013, un blogue sur le pays où elle a élu domicile pendant sept ans. Un blogue rempli d’humour et de lucidité, où elle se montre « irrévérencieuse et crue ». Dans son dernier article, daté du 8 août 2013, elle annonce qu’elle part « pour un bout de temps » parce qu’elle a « comme besoin d’un break » et qu’elle en a « plein le cul des bananes frites, des maringouins pis des bondieuseries ».
Le langage québécois, vivant et imagé dont elle anime son site, se retrouve dans son premier roman. Elle y raconte l’histoire de Jeanne Fournier, née sur le Plateau Mont-Royal, en 1970. Entourée d’une famille élargie (les Fournier, les Brisebois et les Hamelin) qui n’a rien de banal, ni d’idyllique, la fillette reçoit le don de l’écriture, ce qui l’amène à tenir un journal dès sept ans. Au fil des tableaux qui composent le roman, les récits de Jeanne alternent avec ceux de la narratrice. Jeanne y dépeint sa vie et celle de son entourage : les rares amies, ses sœurs dont elle ne se sent pas très proche, son père qu’elle déteste, sa mère qu’elle ne sait pas vraiment aimer, des oncles, un parrain et un grand-père qu’elle idéalise, les ragots des voisines et leurs ricanements mesquins, les centres d’accueil… Il y a aussi les beaux moments : les soirées de cartes, un mariage, les visites des tantes. Mais, somme toute, elle finit par lancer : « On ne choisit pas sa famille et c’est décidément bien dommage […] j’aurais sûrement pas choisi ces sœurs-là ».
Marie Larocque dépeint, avec finesse et sensibilité, la vie de Jeanne et des autres. Une vie qui est aussi, beaucoup, on le sent et elle l’admet, la sienne. Particulièrement révélateurs sont ces mots, qui passent par la plume de Jeanne, à l’adresse du bébé qu’elle porte : « Là, je suis grande, j’écris un roman. C’est facile, je fais juste raconter les histoires de fous de ma famille. Ça me fait du bien, ça me vide la tête pour commencer ma nouvelle vie. T’es pas encore né mais tu me donnes le goût de vivre cent ans. Avec toi. Sans les Autres ».
Marie Larocque : une nouvelle auteure avec un immense talent.