Dans son onzième roman, John Irving relate l’histoire de Jack, fils d’Alice, jeune tatoueuse n’ayant jamais pardonné à son amoureux de ne pas l’aimer suffisamment pour supporter de vivre avec elle. C’est ce père, musicien de renom, que Jack et sa mère tentent de retrouver au cours d’un voyage en Europe alors que le bambin n’a que quatre ans. De port en port, avec une longue escale dans un quartier chaud d’Amsterdam, le couple mère-enfant erre au gré des fantaisies d’Alice dont la vengeance ne connaîtra pas de limite.
Je te retrouverai est, au dire de John Irving, son roman le plus autobiographique. Né de ses propres interrogations d’enfant « né de père inconnu », ce roman revisite l’enfance perturbée d’un homme d’une quarantaine d’années qui peine à extraire la vérité de la fiction. Jack Burns, acteur accompli, et John Irving, écrivain non moins accompli, ne font plus qu’un à ce détail près qu’un roman est une fiction et qu’une fiction, même fortement inspirée de la vie de l’auteur, n’en demeure pas moins le fruit de l’imaginaire, à l’instar de l’enfance que l’on reconstruit, adulte, à partir de vagues souvenirs et, surtout, de ce qu’on nous en a dit. « La mémoire d’un enfant n’est pas seulement imprécise : elle n’est pas non plus linéaire de façon fiable. Non seulement Jack se ‘souvenait’ de choses qui ne s’étaient jamais produites, mais il se trompait également quant à l’ordre des événements »
Le passé forgé à même les contours flous des souvenirs de Jack et des mensonges et demi-vérités de sa mère le laisse sur sa faim jusqu’au jour où tout un pan de ce passé lui est soudainement révélé. C’est alors seulement que le lecteur, curieux, est tenu en haleine tout au long des cent dernières pages. Un livre trop long, certes, mais qui n’en demeure pas moins une œuvre d’une portée universelle parce qu’elle touche la part d’inconnu en chaque être, cette part énigmatique qu’on essaie, vainement, de déchiffrer tout au long de sa vie : sa propre enfance.