Pour qui connaît peu le destin de Jayne Mansfield, sex-symbol hollywoodien des années 1950 – ou pour quiconque s’intéresse aux dessous et revers de cette triste vie rêvée -, le roman que lui consacre Simon Liberati se révèle fascinant.
Oui, Jayne Mansfield 1967 fascine. Tenant à la fois du roman noir et de la biographie (non moins noire), le roman pose un regard froid, détaché, non seulement sur la chute de l’actrice dans la violence, l’alcool, la drogue et le satanisme, mais aussi et surtout sur la force et la persévérance terrifiantes avec lesquelles elle se regardait elle-même chuter, entre angoisse et fou rire, ecchymoses et paillettes, sombre cauchemar et rose bonbon. À défaut de briller, elle a brûlé. Et, comme elle ne faisait jamais rien à moitié, la consumation fut totale.
Les abondantes descriptions donnent en fait à voir le délire sordide que furent les derniers mois de l’existence de la star – suite de plans et de séquences d’autant plus puissante que le talent premier de Mansfield était justement celui d’être vue. Aussi, à partir de la mort, étincelante et sanglante, de cette « vamp blonde à la mentalité de bébé », on entre dans la tête de toutes ces starlettes aux talents artistiques plus que restreints mais dont la disposition à vivre une vie entièrement publique, à tout exhiber de leurs états d’âme comme de leurs excès, fait d’elles des bêtes de cirque dont raffolent les foules. Elle jouait sa vie, la petite « Jaynie », un point c’est tout. Même qu’elle jouait tellement qu’on en vient à se demander s’il ne lui restait de réalité que l’espace, le décalage – le jeu, donc – à partir duquel elle l’entrevoyait.
De plus, comme elle avait adopté l’extravagance comme mode de vie, même au plus fort de sa déchéance, Mansfield continuait d’alimenter la presse à scandales qui, en retour, lui permettait, à elle, de poursuivre, d’un cliché à l’autre et représentation après représentation, le spectacle de sa vie. D’ailleurs, elle découpait puis collait minutieusement dans d’innombrables albums tous les articles de journaux et de revues la concernant, même les moins flatteurs et les plus mesquins. Aussi peut-on presque affirmer que, si sa carrière de vedette du grand écran a échoué, Jayne Mansfield aura eu l’intelligence impitoyable de reconnaître son échec et de le faire resplendir comme aucune autre étoile déchue avant ou même après elle ne l’aura fait. Et, par là même, étrangement, impudiquement, parfois vulgairement, de réussir sa vie, son œuvre, son rêve.