Le style de Magnenot se manifeste vite et il occupe presque tout l’espace. Il livre presque à lui seul l’essentiel du propos. Par son rythme nerveux, ses incessantes ruptures de trajectoire, ses caprices, il fait sentir le tumulte intérieur, l’agitation incontrôlable, les difficultés de la convalescence. Car c’est d’une convalescence qu’il s’agit, même si d’autres perspectives s’ouvrent en cours de route. Retourner en Italie en solitaire et mettre ses pas là où est passé le couple il y a encore peu de temps, c’est, bien sûr, guérir l’âme et le corps du souvenir de la femme enfuie. Mais c’est aussi, plus profondément peut-être, « tuer le hasard », émerger de la non-existence, ne plus être le caméléon sans couleur propre. Guérir d’elle n’aurait fait que ramener la santé ; tuer le hasard, c’est entrer dans la vie, s’enfanter soi-même.
Comme beaucoup de premiers romans, celui-ci en fait trop. Il évite le « piège touristique » auquel l’exposait ce pèlerinage italien, mais il verse dans une surabondance d’incidents peu ou mal reliés entre eux. La mort du compagnon de partouze, la furie criminelle de l’autostoppeuse, la plongée de la voiture et la résurrection du conducteur défiguré, les locateurs qui jouent les gros bras…, cela fait beaucoup.