Le train est arrivé à l’heure en gare de l’Est de Paris. Ce qui, somme toute, est un bel exploit. Et István était assis dans un compartiment depuis sa Hongrie natale. Il eût été préférable que le train n’arrive jamais à destination. Et de rêver au doux temps des grèves automnales qui paralysèrent les transports ferroviaires français… Car István est venu, a vu, a été poussé à l’eau, a été sauvé puis, au terme de 200 longues pages, a regagné vivant et pétri de bonnes résolutions ses pénates magyares… sans plus. L’homme jeté à la Seine, c’est davantage le lecteur qui se noie au long cours des pages.
L’ombre de Shakespeare hante péniblement cette fiction et nuit à son déroulement. La référence à Hamlet est trop dense et encombrante pour les frêles épaules d’Anne-Marie Garat. L’histoire de l’amitié entre István et Joseph, son meilleur ami, est, sans se méprendre, un motif à des divagations soporifiques. Joseph veut épargner à István l’offense des questions indiscrètes et l’obligation de réponses qui, de toute façon, restent muettes. L’auteure expose lascivement en de longues phrases indigestes, sans ponctuation, les monologues intérieurs de ce duo. Cette plongée en apnée dans la pseudo-psychologie d’un Parisien au bord de la syncope et d’un Hongrois mystérieux chercheur de bombes atomiques miniaturisées produit l’effet escompté : à bout de souffle, le lecteur rend l’âme, asphyxié.
Mais qu’est-ce qu’il y a dans cette foutue consigne ? « Un chameau, une belette, une baleine » (Hamlet, III, 2) ?