Premier recueil de nouvelles de Marie-Ève Sévigny, Intimité et autres objets fragiles regroupe dix nouvelles qui, comme le suggère le titre, explorent les anfractuosités des blessures des personnages mis en scène. Blessures autant physiques que morales : ici un médecin cloué dans un fauteuil roulant qui ne peut plus pratiquer son art, là une femme qui affronte ses peurs au cœur de la nuit, là un jeune garçon qui entrevoit la mort lorsque sa mère noie des chatons, là encore une vieille dame qui fait une chute et voit soudainement son monde s’écrouler. Marie-Ève Sévigny démontre une habileté certaine à donner vie à ses personnages, à mettre en lumière les zones d’ombre et de vulnérabilité qui les habitent, tout autant qu’à créer une atmosphère qui sied à leur quête et à les faire rapidement évoluer dans des situations qui mettront à nu leur fragilité.
Le début de chaque nouvelle est particulièrement bien réussi, inscrivant dès l’amorce le ton, le rythme propre à chacun des textes. Le plus souvent intimiste, le ton des nouvelles n’en offre pas moins un registre varié. Dans « Robe de chimère », où une femme affronte la nuit et ses propres chimères, le texte a résolument une couleur inquiétante, voire fantastique. Dans « Tout sucre, tout beurre », la nouvelliste sait manier humour et ironie sans appuyer sur les effets. « À l’ombre » explore les replis de la violence, le passage de l’enfance à l’âge adulte, et met en scène deux enfants qui prennent conscience de la mort et de la sexualité. Tout à la fois par sa retenue et par sa charge évocatrice, ce dernier texte est sans doute l’un des plus forts du recueil. Dans « Une carte à la clé », un amant découvre l’empreinte d’un prédécesseur dans un livre que lui prête son amante. Très bien mené, ce texte sait également surprendre le lecteur par une finale qui ne manque pas de faire sourire. La nouvelle qui clôt l’ensemble, « Le chien Jivago », se décline sur un mode qui allie l’inéluctable de toute fin de vie et la tendresse que l’on peut éprouver en portant un regard sur le chemin parcouru, les êtres aimés et les livres qui nous ont accompagnés tout au long du parcours. Apologie de la vie comme celle de la lecture. Et un premier livre qui participe tout autant à l’une qu’à l’autre.