Publié un quart de siècle après le premier, le neuvième roman de Louis Caron raconte la « traversée de la nuit » de Suzanne Demers et de l’Amérindien Billy Memory dans une caverne ancestrale située à Central Valley, dans l’État de New York. Épouse et associée de l’exportateur de bois Hubert Gendron, Suzanne a chassé de leur demeure cossue de Longueuil son mari qu’elle rend responsable de la mort de leur fils de 13 ans, François. Celui-ci a été précipité avec sa petite amie du haut du pont Jacques-Cartier, un an plus tôt, après avoir été violé et étranglé par deux malfrats. Consciente d’avoir poussée Hubert à l’irréparable, Suzanne va demander à Billy de l’aider à sortir du « cul-de-sac » où elle se trouve.
Tel est le compte rendu que fait la femme en détresse à l’Amérindien dans la première des quatre parties du roman. Dans les trois suivantes, Billy « [prend] les devants » et révèle à Suzanne la suite des événements dont il a été lui-même un témoin plus ou moins actif. Son récit procède comme le précédent par multiples analepses (retours en arrière) et le lecteur y apprend que l’épouse s’est réfugiée dans une secte au « sigle significatif » : CURE, pour « Church of Universal Reunion ». Elle est devenue l’esclave docile et intransigeante dans l’espoir de communiquer avec son fils par des « séances de communion cosmique ». De son côté, Hubert a été impressionné par Walter Williams, un mécanicien rencontré à Central Valley au hasard de ses pérégrinations américaines. Williams a formé un groupe de « survivalistes » en lutte armée contre les politiciens et les bureaucrates de Washington qui « [conspirent] pour priver les citoyens de leurs droits ». Hubert échange son adhésion à cette « milice populaire » contre le démantèlement de l’empire de la CURE afin de délivrer sa femme. L’audacieux projet réussit, mais le couple ne se retrouvera pas : Hubert vit aujourd’hui « quelque part au Canada » avec Jeri, la fille de Walter, et l’enfant issu de leur union.
Il n’y a plus d’Amérique est un honnête roman dont les enchaînements et les ramifications, particulièrement dans la troisième partie, finissent par créer un univers romanesque crédible, cohérent et captivant, raconté avec force détails dans un texte qui tient à la fois du récit conventionnel, du roman d’aventures et du thriller. Il ne faut pas s’arrêter aux propos racoleurs de la quatrième de couverture, qui présente le livre comme un « portrait prophétique […] d’une Amérique qui éclate ».