Le sport envahit les médias, ce qui fait qu’il appartient à ces signes culturels perçus comme bruit de fond plutôt que comme révélateur social. Le sport est pris de haut, malgré (ou en raison de) sa popularité et sa quotidienneté. Difficile d’en parler avec concision et intelligence dans un univers où prédominent les opinions biaisées, les lieux communs et les stéréotypes professés en vitesse. Il importe donc d’avoir une perspective singulière pour écrire sur le sport sans reconduire les discours ineptes qui l’accompagnent trop souvent. C’est ce qu’apportent Jacques Doucet, la voix du baseball à Montréal, celui qui a transmis à la radio avec sa langue juste et son ton convivial les histoires du jeu durant plus de 30 ans, et Marc Robitaille, rare romancier sportif au Québec. De leur heureuse collaboration naît le projet de raconter l’histoire des Expos de Montréal, équipe de baseball arrivée par surprise dans le paysage sportif pour la saison 1969 et déménagée à Washington en 2004.
Dans ce premier tome, Doucet et Robitaille, par des entrevues, un épluchage des comptes rendus journalistiques et des ouvrages écrits sur le sujet, décrivent la naissance de l’équipe, ses années de formation (assez pénibles, mais allégées par la passion des partisans), ses premiers succès, ses échecs douloureux et ses espoirs non réalisés. Si une large part d’Il était une fois les Expos est anecdotique, vouée à la présentation des événements marquants de la concession, aux personnalités originales qui ont diverti les partisans et aux citations savoureuses des joueurs et entraîneurs, il n’en demeure pas moins qu’un des intérêts de cette histoire des Expos réside dans sa capacité à intégrer des événements socio-économiques et culturels à la trame sportive, afin de montrer comment le baseball interagit avec une communauté, comment il met en œuvre les singularités du lieu où se déploient les prouesses de l’équipe. Les Expos aident à saisir les dynamiques propres à Montréal (avec son maire alors hyperactif, sa population cosmopolite, ses conflits de langues, etc.), de même que les enjeux sociaux qui secouent le sport professionnel nord-américain (médiatisation, autonomie des athlètes, luttes syndicales, drogues, etc.). Ce que parviennent à faire Doucet et Robitaille dans cet ouvrage d’une lecture fort agréable, c’est à lier les exploits sportifs à tout un arrière-plan social sans que celui-ci n’enterre l’intérêt pour le jeu. À lire ce bouquin, on se rappelle que le sport peut être un moyen de négocier notre insertion dans un imaginaire social, ce qui n’est pas rien et nous permet de ne pas bouder notre plaisir de lecture et les souvenirs nostalgiques que provoquent d’emblée ces recensions des grandes prestations des Expos.