« Amère America », « La route est longue », « Sauvez mon âme » : toutes ces chansons inoubliables et 65 autres sont désormais éditées dans un livre grand format, illustré par son auteur.
Pour son premier livre, le chanteur Luc De Larochellière a voulu parachever ses textes les plus célèbres en leur donnant une dimension visuelle autre que celle d’un vidéoclip. Sur une page ou deux, ses paroles sont reproduites intégralement, et on peut les suivre attentivement en réécoutant ses CD. C’est mieux que de devoir se forcer les yeux pour tenter de déchiffrer les livrets minuscules accompagnant ses premiers enregistrements. Visuellement, Luc De Larochellière donne des compositions parfois inégales quant au choix des couleurs, mais étonnamment précises pour le coup de crayon. Un ou deux dessins éclairent chaque texte. La polyvalence et la grande créativité de l’auteur-compositeur-chanteur sont ici reconfirmées sur le papier ; chaque chanson est illustrée mais aussi réinventée d’une manière originale et toujours différente de la précédente : donc pas de formule répétitive ni de recette. Plusieurs des dessins ne sont pas beaux, par exemple ceux pour illustrer « Tu crack Marcel », « On fait la moue » et « Beauté perdue », mais on comprend que les images funestes doivent être en résonance avec le propos de chaque pièce. Ainsi, « Amère America » est adroitement illustrée par une statue de la liberté tenant une tasse de café (amer ?) au bout de son bras. En revanche, deux autoportraits très réussis accompagnent « Un toit dans ma tête ».
Le grand avantage de ce livre-autoportrait est de nous inciter à réécouter attentivement cet excellent parolier en nous attardant sur la richesse et l’ampleur des textes, que l’on néglige trop souvent car sa voix est si belle qu’elle suffirait à nous combler. Et pourtant, comme pour Jean-Pierre Ferland ou Claude Gauthier, ce sont les mots qui font la force de ses chansons. Il faudrait lire cet Homme de paroles et d’images en écoutant les disques, en suivant les modulations du texte et en appréciant l’adéquation entre les mots et la musique, tout en goûtant les sonorités. Sur le plan éditorial, ce livre produit par Station T est exemplaire pour sa créativité, sa mise en page soignée, son graphisme recherché, le rendu des couleurs. Mais, du point de vue esthétique, on ne peut pas dire que ce soit un « beau livre » – au sens de « livre d’art » –, car les images sont quelquefois déplaisantes ou caricaturales et les personnages, enlaidis. Il y manquerait la beauté, mais ça, Luc De Larochellière l’avait déjà exprimé dans tous ses commentaires sur notre monde.