L’éditeur pavoise avec raison : dans la famille des beaux livres, celui-ci occupera une place enviable. À elle seule, la contribution de Jacques Lacoursière justifie l’acquisition, tant le survol de presque cinq siècles s’effectue de façon assurément gaillarde, mais avec rigueur. Jacques Lacoursière se permet d’ailleurs, d’une incise ou d’un bémol, de redresser tantôt une persistante fausseté, tantôt un anathème par trop fracassant. Ainsi, Durham appartient peut-être à la populeuse confrérie des mal cités. Les femmes, rappelle Jacques Lacoursière, n’ont perdu qu’en 1849 un droit de vote acquis avec 1791 et d’ailleurs peu utilisé. La tant décriée grande noirceur n’a peut-être pas eu l’opacité qu’on lui attribue. Il se pourrait que le grand traumatisme de la conquête n’ait pas secoué jusqu’à l’arrière-pays une population déjà réservée à l’égard de la monarchie française. Même l’augmentation des naissances décrite comme un baby-boom ne signifierait pas que les familles de l’après-guerre engendraient plus d’enfants, mais que plus de femmes donnaient naissance. Les grands axes de l’histoire demeurent en place, mais Jacques Lacoursière liquide nombre d’imprécisions.
Jean Royer choisit et présente les poètes québécois avec tact et empathie. Il les enveloppe même d’un « nous » familial un peu suranné. David Karel commente les peintures et les carrières avec raffinement tout en prononçant à propos de Jean-Paul Lemieux un jugement sévère et en établissant un lien grinçant entre Louis-Philippe Hébert et Marc-Aurèle Fortin.
On regrettera qu’un certain nombre de coquilles déparent un ouvrage d’une telle ambition. Les Métis ne vont pas relancer Louis Riel au Mentana, l’exploration de l’Ouest a bien raison de ne pas émerger au trésor royal, on a peine à comprendre comment la marche vers l’affrontement devient au pas de course. Vétilles (presque) négligeables.