L’ouvrage d’André Rauch retrace l’odyssée de la condition masculine et sa spectaculaire déconvenue depuis la Révolution française. Méthodique et versatile, Rauch, également connu pour ses travaux sur les vacances des Français, ne semble négliger aucun lieu d’affirmation de la masculinité. Il considère aussi bien l’évolution des lois ou des mSurs que la vie militaire et ses rituels de célébration du mérite. En sociologue aguerri, il passe au crible la chose imprimée, du tract révolutionnaire obscène aux œuvres littéraires annonçant de nouvelles mentalités. On peut penser à La garçonne (1922), le controversé roman de Victor Margueritte, qui inspire à Rauch quelques-unes de ses meilleures pages.
Deux titres sont en réalité réunis ici : Le premier sexe (2000) et L’identité masculine à l’ombre des femmes (2004), auxquels s’adjoint une postface s’inspirant de la crise des banlieues françaises de 2005. Le premier volet porte sur les mutations et la crise affectant l’identité masculine entre 1789 et 1914. Le second volet se consacre à l’identité masculine à l’heure des grandes conquêtes du féminisme, de la Grande Guerre à la Gay Pride. Chaque période jouit d’éclaircissements qui nous la rendent plus transparente. À partir des paroles et des comportements qui jouent un rôle dans la construction sociale de la « virilité », Rauch tient compte des principaux paramètres avec lesquels l’individu masculin a dû composer au fil du temps afin d’affirmer sa personnalité, fût-ce l’érotisme, la galanterie et le flirt ou les rapports du mâle au corps, à la vie affective, à la gloire, au danger et à la propriété. Du régiment militaire au nid domestique, de la brutalité à l’intimité, les hommes se sont livrés, depuis deux cents ans, à la recherche de nouveaux lieux de réalisation de soi. Dans le contexte qui a vu naître la civilisation des loisirs et la suprématie de l’individu, les critères du partage des rôles entre les sexes n’ont cessé de se redéfinir au gré des changements sociaux et des avancées scientifiques. Proche d’Alain Corbin dans son approche de la vie privée, André Rauch signe avec Histoire du premier sexe un ouvrage savant aux allures de livre de chevet. Il manque toutefois un index des noms cités, qui faciliterait de beaucoup le travail de relecture de cet essai dense et captivant.