Le cinquième Festival littéraire international de Montréal lui décernait le Grand Prix Metropolis bleu 2003. Avant elle, les Marie-Claire Blais (2000), Norman Mailer (2001) et Mavis Gallant (2002) avaient reçu cet hommage. Maryse Condé a enrichi la littérature de nombreux romans, essais, pièces de théâtre et nouvelles. L’écrivaine à l’identité multiple s’attribue à elle-même le titre qu’elle confère à Rosélie, l’héroïne de son dernier roman, Histoire de la femme cannibale. « Cannibale », se dit la romancière d’origine guadeloupéenne, parce que, nourrie des cultures des divers pays où elle a vécu, elle les a fait siennes, les intégrant à sa culture d’origine. La peintre Rosélie a aussi quitté son île des Caraïbes et foulé plus d’un continent avant de suivre son compagnon en Afrique du Sud, au Cap où se déroule l’action. Rosélie, femme cannibale à cause également de l’envie de mordre qu’il lui prend en retour des humiliations subies par les Cafres. Car au drame personnel de Rosélie, déroutée après l’assassinat de Stephen, son compagnon de vie, s’imbrique celui de l’Afrique du Sud de l’après-apartheid, où les têtes au pouvoir ont changé, mais pas les mentalités. En tentant de comprendre l’événement si impensable du meurtre de Stephen, cet Anglais, professeur à l’université du Cap apprécié de tous, avec qui elle a vécu vingt années somme toute heureuses, Rosélie revisite sa propre vie. Entremêlés aux découvertes qu’elle fait sur Stephen et qui apportent un brin de suspense, ressurgissent les regards d’autrui sur le couple mixte qu’elle formait avec un Blanc. Regards méprisants, comme si elle avait usurpé un droit en venant s’installer chez Stephen dans la rue Faure, rue blanche au temps de l’apartheid. L’impression d’être une domestique aux yeux des collègues qu’invitait Stephen et, pis encore, d’être considérée comme une traîtresse par les gens de sa race. L’envie de mordre en retour. Rosélie s’imagine que ce fut la réaction de Fiéla, cette inconnue des faits divers accusée de meurtre, avec laquelle elle compatit.
Rosélie apparaît par bien des traits comme un double de l’auteure qui laisse d’ailleurs s’échapper à l’occasion des « je » dans une narration à la troisième personne.