Liquidons les clichés : non, le livre ne doit rien à Harlequin ; oui, le livre est exigeant. On rougit de dire d’un livre qu’il doit, dirait Alberto Manguel, autant à son lecteur qu’à l’auteur, mais disons, s’il le faut, que le lecteur de Jean-Luc Gouin ne sera pas déçu.
Hegel ? Il ne propose pas un système, affirme Jean-Luc Gouin avec force. Hegel démolit les systèmes, les épure au feu de la critique, les nie, puis reconstruit ce qui doit l’être. Hegel, dit Jean-Luc Gouin, ne pontifie pas. Il écoute. Il ne soumet pas l’univers à sa théorie, mais prête l’oreille. La philosophie ? Elle combat la certitude, l’immédiat, l’assuré. Avec elle, on doute, on se voit fragile.
Comment cet Hegel a-t-il généré, selon l’opinion de la critique, le créateur rouleau compresseur marxiste ? Jean-Luc Gouin ose deux hypothèses. Beaucoup n’ont jamais lu Hegel. D’autres l’aiment ou le vilipendent parce qu’ils lisent Hegel sans l’accompagner vraiment. Jean-Luc Gouin, lui, écoute Hegel dire Hegel. Travail éclairant, chaleureux, humblement titanesque. Hegel fait place au sujet (S), nie (N) la frontière entre le sujet et l’autre, note le résultat (R), puis réconcilie les éléments séparés (R). Ce processus, Jean-Luc Gouin le décode. Grâce à sa connaissance d’Hegel, certes, mais aussi grâce à la poésie, à la chanson, aux lettres. À l’arrivée, on dit merci.