Au cours des années 1960 et 1970, en pleine guerre froide, le Québec a connu une période d’effervescence politique qui ne pouvait qu’attirer l’attention des grandes puissances et, bien sûr, de leurs services de renseignements.
Ayant consulté de nombreux documents et bénéficié de sources privilégiées, Jean-François Lisée propose un ouvrage passionnant sur la présence d’agents secrets au Québec, de différentes allégeances, entre 1960 et 1980. On se croirait en plein roman de John le Carré, tellement ce livre foisonne en anecdotes et événements imprévisibles. Le titre de l’introduction (« Les espions qui venaient dans le froid ») adresse d’ailleurs un clin d’œil au célèbre auteur, en faisant allusion à L’espion qui venait du froid, le roman qui a établi sa renommée.
Au paroxysme de la guerre froide, il était naturel que l’ébullition régnant au Québec intéresse les principales puissances impliquées dans cet affrontement, c’est-à-dire l’Union soviétique et les États-Unis, de même que les pays y ayant des intérêts ou des sympathies. On pense ici, bien sûr, à la Grande-Bretagne et à la France. Il apparaît cependant que la première puissance à pratiquer l’espionnage au Québec, et de loin, fut le Canada, par l’intermédiaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et d’autres corps policiers.
Jean-François Lisée révèle, ou rappelle, certaines pratiques utilisées par les policiers, parfois illégalement (pouvant aller jusqu’à la pose de bombes !), contre le FLQ, mais également contre le très légitime Parti québécois. Il rapporte ces paroles que René Lévesque, tenant pour acquis que ses conversations étaient interceptées, avait coutume de répéter : « Quand tu prends le téléphone, parles [sic] comme si tu étais en public ! »
Il est à noter que le livre nous apprend que la CIA s’intéressait, certes, aux événements tumultueux se produisant au Québec à l’époque (en particulier au moment de la crise d’octobre), mais que, sauf exception, elle ne menait pas elle-même d’opérations sur place. Il faut dire qu’elle était tenue bien informée par les services de renseignements canadiens.
Dans Guerre froide, P.Q., Jean-François Lisée présente une synthèse d’une importance capitale pour l’histoire moderne du Québec, en levant le voile sur des événements méconnus ou inconnus ayant influé sur la destinée nationale. Un document incontournable pour les passionnés de notre histoire !