Le Canada posséderait 20% des régions sauvages, des marais et des réserves d’eau douce de la Terre. Une part importante de cet espace se situerait au-delà du cinquantième parallèle, dans le Grand Nord, de la forêt Boréale à l’île Ellesmere dans l’Océan Arctique. Au fils des années, le territoire est devenu de plus en plus accessible : des routes asphaltées ont été construites jusqu’aux mines de diamants et vers les sites de barrages futurs. Néanmoins, ce qu’on désigne communément par l’appellation de Grand Nord, la terre de glace, reste la destination des seuls scientifiques et sportifs amoureux inconditionnels des beautés arides.
Conscient de la fascination quasi mystique qu’exercent les terres vierges, Patrice Halley considère à propos d’attirer l’attention sur la pollution qui commence progressivement à détruire l’équilibre écologique de ces hauts-lieux, qui sont le baromètre du monde naturel. Dans son récit de voyage, c’est à peine si l’aventurier, pudique, évoque les principaux obstacles auxquels il s’est buté dans sa traversée. Le but avoué est simple : réveiller les consciences en évoquant les richesses menacées, les pertes irrémédiables. Un bilan qui n’a rien de neuf si l’on est un tant soit peu informé sur la question. Mais il est toujours bon que soient rappelées certaines défaites historiques. En 1998, Brian Tobin et Lucien Bouchard, les premiers ministres des provinces de Terre-Neuve et du Québec, lançaient la construction du deuxième plus grand projet hydroélectrique de la région, à Churchill Falls. Malgré le mécontentement des Innus de toutes les communautés de la Basse-Côte-Nord et du Labrador, ce lieu sacré, ancestral, où convergent les eaux du nord et du sud, sera inondé et les collines environnantes deviendront des îles. Ici, au Québec, qui s’en soucie ? On comprend pourquoi l’auteur, Français d’origine, parle d’un certain dualisme national au Canada, qui n’est pas celui auquel nous aurions pensé, de prime abord
Quinze années à suivre les Amérindiens et quelques botanistes dans le Grand Nord donnent crédit à la parole de Patrice Halley. On lui pardonne la surabondance des données chiffrées qui démontre l’urgence d’une action mais garde le lecteur à distance. L’amour pour le territoire transparaît plutôt dans les quelques centaines de splendides photographies que contient le livre. Certaines lumières captées par le photographe et auteur y semblent surnaturelles.