Animés par un désir de promouvoir le locavorisme, de plus en plus de chefs s’inscrivent dans une tendance de retour au terroir et font de ce mode de consommation leur marque de commerce. Leur mot d’ordre est de consommer moins, mais mieux, de saison, et en prenant en considération la traçabilité des aliments.Divisé en huit chapitres, Gourmand boréal fait sienne cette philosophie de la table en ratissant les forêts, en parcourant les levées de fossés et en écumant jusqu’au lit caillouteux des puissantes rivières du Canada boréal. L’ouvrage fouille le territoire yukonnais comme on étudie le contenu d’un frigo : en se demandant quoi se mettre sous la dent. Les réponses qu’apporte à cette question Michèle Genest, critique culinaire à ses heures, épicurieuse convertie aux vertus de la bonne chère, ne manquent pas : les baies, les gibiers, les fleurs, les plantes et les arbres, le potager, les poissons ainsi que la boulange sont passés en revue dans un ouvrage inspiré des années pendant lesquelles l’auteure a vécu à Whitehorse.Elle nous accueille dans sa maison, présente par la bande sa famille, nous initie aux potlucks nordiques et partage son carnet d’adresses étonnamment riche de producteurs locaux. Ce qui se dessine alors en filigrane de ce livre, dont les recettes demeurent d’un intérêt secondaire, pour alléchants que soient les sirops de bourgeons d’épinette et risottos aux coprins chevelus, c’est toute la puissance éminemment émotive que les aliments mettent en branle, tout le pouvoir évocateur de réminiscences heureuses comme d’expériences décevantes que renferment tant les ripailles que ce qui se situe en amont d’elles. Peut-être, suggère le livre, que la faculté que possède un aliment de nous raconter une histoire donne la mesure la plus fiable d’une consommation locale.Les pages les plus intéressantes de Gourmand boréal concernent donc tout ce qui se trouve en périphérie de l’espace cuisine et ouvrent sur des récits captivants de cueillette, de chasse ou de chantier, campés en ces étendues plus grandes que nature au nord du 60e parallèle. Précisons toutefois que, s’il concerne prioritairement le Yukon, le guide présente les éléments d’un garde-manger que l’on retrouve également dans la forêt boréale circumpolaire. Enfin, la sobriété des illustrations, leur rendu vintage, proposé par Mathilde Cinq-Mars, enrichissent ce livre pour en faire un ajout incontournable à sa bibliothèque épicurienne.
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