Tenter de délimiter les frontières de la fiction revient, implicitement, à en définir le statut ontologique. La tâche est ardue car le monde de la fiction et celui, tangible, dans lequel se situe le lecteur ont souvent de nombreuses propriétés communes. Si les personnages des Chroniques du Plateau Mont-Royal (Michel Tremblay) évoluent dans un quartier bien connu de Montréal, le roman n’en demeure pas moins un texte de pure fiction. Le problème se complique lorsque l’auteur entreprend délibérément de rendre les frontières entre monde fictionnel et monde « réel » encore plus poreuses. Le cas, aujourd’hui populaire, de l’autofiction, est exemplaire : où se situe la frontière entre l’autobiographie et la fiction dans un genre qui vise précisément à transgresser ces frontières ? Une telle ambiguïté peut être la source du plaisir éprouvé lors de la lecture. Toutefois, lorsque la réception d’un texte (ou d’un film) ne tient pas compte du caractère fictionnel de l’œuvre, l’interprétation produite est parfois aberrante.
En outre, quels sont les différents usages de la fiction et quels rapports entretient-elle avec des genres littéraires tels que la poésie et l’essai ? Les articles publiés sous la direction d’Alexandre Gefen et René Audet visent à répondre à ces questions, parmi d’autres, en proposant une large réflexion destinée avant tout à un public d’universitaires. Un premier volet théorique est suivi d’une série d’études des cas concrets (des Essais de Montaigne à L’Ève future de Villiers de l’Isle-Adam). La dernière section, consacrée à des productions contemporaines, montre que le caractère problématique de la notion de fiction n’en autorise pas moins l’expérimentation, la subversion et le renouvellement des genres.