Les frontières de la Nouvelle-France ne s’arrêtaient pas aux limites actuelles du Québec ou du Canada, mais couvraient un territoire beaucoup plus vaste, comprenant plusieurs États des États-Unis, de la vallée du Mississipi jusqu’à la Louisiane. Une quinzaine de spécialistes de l’Amérique du Nord française évoquent successivement les différents types de présence francophone en Amérique : les descendants des premiers immigrants francophones du Midwest, ou encore ceux qui sont partis chercher « un ailleurs meilleur » en Nouvelle-Angleterre au XIXe siècle, mais aussi ces retraités québécois (parfois surnommés les snowbirds) vivant depuis les années 1930 dans le Floribec. Toutefois, les pages les plus passionnantes témoignent des pionniers français trop vite oubliés qui ont fondé des régions entières du Dakota, du Missouri, du Kansas, de l’Oregon.
En outre, certains des auteurs soulignent un fait trop souvent négligé : l’usage du français a été interdit, au XIXe et même au XXe siècle, dans plusieurs provinces canadiennes (Nouveau-Brunswick, Ontario et Manitoba). Dans le Maine, une loi a interdit l’enseignement du français en 1919. La liste des prétextes invoqués autrefois pour s’opposer à l’enseignement du français en Louisiane rassemblait des arguments spécieux : matériel scolaire trop cher, pas assez de temps en classe, trop de matières « plus importantes » à couvrir, et en outre, la croyance voulant « qu’un enfant bilingue ne réussirait pas aussi bien dans la vie qu’un enfant unilingue anglais ». À une heure à l’est de Jackman, près de la Beauce, les Franco-Américains ont été intimidés par le Ku Klux Klan, qui visait non seulement les Noirs et les catholiques, mais aussi les francophones, souvent considérés comme étant « retardés ». D’ailleurs, une photographie saisissante datée de 1923 montre une longue procession d’une centaine de membres du KKK en plein jour, à Milo, exactement au centre de l’État du Maine.
Mais Franco-Amérique n’est pas tant un livre sur la survivance, le ressentiment et les conflits entre anglophones et francophones ; son optique se range davantage du côté de la célébration des lieux de la mémoire des Français d’Amérique, de Saint-Pierre-et-Miquelon jusqu’en Californie. En ce sens, Franco-Amérique est un ouvrage indispensable pour comprendre le statut de notre langue au Canada et aux États-Unis.
Voir aussi : https:/commentaire-lecture/voyages-et-rencontres-en-franco-amerique/